Retour sur la table ronde du Datacenter World : les acteurs de la filière face aux enjeux de l’emploi

L’édition 2025 du Datacenter World a été l’occasion d’une table ronde particulièrement éclairante sur l’avenir des emplois dans notre secteur. Animée par Anwar Saliba (nLighten France), cette session a réuni Florian du Boys (Les Plombiers du Numérique), ainsi que des représentants de CBRE Data Center Solutions, Data4 et EDF pour débattre d’une question cruciale : l’IA va-t-elle supprimer ou créer des emplois dans les datacenters ?

Un secteur en pleine expansion : 20 000 emplois à créer

La filière française des datacenters connaît une croissance spectaculaire. Paris s’impose désormais en 3ème position européenne avec 700 MW de capacité installée, et l’Île-de-France compte à elle seule plus de 35 chantiers en construction.

Mais la dynamique dépasse largement le duo Paris-Marseille qui a longtemps dominé le marché. De nouveaux pôles émergent sur l’ensemble du territoire : Paris-Sud connaît une vraie croissance avec des besoins structurels, tandis que des projets se développent à Rennes, dans les Hauts-de-France, à Bordeaux. À l’international, des opérateurs comme Data4 s’implantent en Pologne, Italie, Espagne et bientôt en Allemagne et Grèce.

Cette expansion territoriale et européenne permettra de créer plus de 20 000 emplois en France, portés par l’explosion de l’IA et les enjeux de souveraineté des données. Un déploiement qui nécessite de structurer des écosystèmes locaux de formation et d’emploi partout où les projets se développent.

L'IA : opportunité plutôt que menace

Laurent Coudert (Data4) est catégorique : « L’IA ne supprime pas des emplois dans le datacenter. » Les métiers reposent sur des tâches physiques peu robotisables (maintenance électrique, climatisation, automatisme). L’IA devient un outil pour fiabiliser les interventions, optimiser l’énergie et guider vers « le geste bon du premier coup » dans un environnement où l’erreur n’est pas permise.

Aurore Nicoli (CBRE) souligne l’impact des emplois indirects. Les 35 nouveaux sites prévus sur tout le territoire permettront de réindustrialiser des zones dépeuplées et créer toute une économie de proximité. Exemple concret : le site de Marcoussis passera de 1000 à 3000 personnes d’ici 2030. Un datacenter de 10 000 m² représente 40 000 à 50 000 machines avec un renouvellement tous les 3 à 5 ans, générant des centaines d’interventions de maintenance.

Datacenters : structurer une filière de formation encore naissante

Florian du Boys pointe un paradoxe : malgré 109 milliards d’investissements et une croissance à deux chiffres, aucun dispositif de droit commun n’existe pour former aux métiers de base du datacenter. Contrairement à l’aviation ou au nucléaire, le secteur n’a pas d’écoles dédiées. Le recrutement se fait par « piratage » des talents entre concurrents – un modèle insoutenable.

L’action des Plombiers du Numérique

Face à ce constat, deux formations ont été créées :

  • Formation technicien datacenter : racking, câblage, brassage (600+ jeunes formés)
  • Formation technicien de maintenance : 4 mois + 16 mois d’apprentissage, en partenariat avec Equinix, Data4, CBRE et Eiffage. Résultat : 11/12 apprenants diplômés, dont plusieurs en reconversion (40 ans et +).

Les solutions proposées

  • Travailler en filière : s’inspirer de la « Semaine des métiers du nucléaire » pour coordonner la communication et gagner en visibilité, propose Anne Plouvier (EDF).
  • Colorer les formations existantes : ajouter 40-50h de spécialisation datacenter aux CAP, BTS et licences techniques.
  • Ancrage local : déployer les formations là où sont les besoins (Rennes, Hauts-de-France, Bordeaux, Paris-Sud).
  • Écoles d’ingénieurs : former les futurs « Critical Facility Engineers » avec des compétences en analyse de données et efficacité énergétique (exemple : Data4 Academy avec Paris-Saclay).
  • Agir sans attendre l’État : les acteurs privés doivent s’organiser collectivement, comme pour la formation pilote.

L’IA n’est pas une menace mais un catalyseur de transformation qui élève les compétences tout en multipliant les besoins. Le défi est organisationnel : créer une véritable filière structurée pour former massivement et donner leur chance à des milliers de personnes.

Merci à France Datacenter de nous avoir donné l’opportunité d’échanger sur les enjeux de la formation dans le secteur du datacenter, mettant en avant le dispositif des Plombiers du Numérique, que nous faisons évoluer selon les besoins du secteur.